JO 2024: Hyères candidate pour les épreuves nautiques

La question semble entendue : il est formidable que la ville d’Hyères candidate pour recevoir les épreuves nautiques des JO 2024. Et tout le monde en réunion privée du conseil municipal ce mardi 28 avril s’est félicité mutuellement pour cette belle unanimité car ce sera un évènement fédérateur pour les hyérois, une belle fête populaire dont la seule évocation fait déjà briller des étoiles dans les yeux…

Unanimité ? Presque… ma petite voix a apporté un bémol à cet élan collectif.

J’aurais voulu me réjouir avec mes collègues de cette union sacrée autour des Jeux, m’enthousiasmer avec eux de ce projet, mais ma prudence m’a fait émettre quelques réserves, qui sont d’ailleurs partagées par certains de nos concitoyens.

Les JO portent un imaginaire collectif où se mêlent l’amitié entre les peuples grâce aux vertus du sport, la conquête de la gloire grâce au dépassement de soi, l’engagement enthousiaste des nations derrière leurs athlètes… mais il y a loin entre l’idéal olympique et la réalité du processus qui s’en revendique.

Je voudrais comme mes collègues du conseil municipal retrouver mon âme d’enfant et rêver qu’Hyères, le temps des jeux, capte tous les regards, mais mon statut d’élue, de citoyenne, d’adulte responsable, m’amène à prendre du recul.

Dire oui à la candidature d’Hyères, c’est dire oui à celle de Paris. Le groupe écologiste de la Mairie de Paris a exprimé son opposition à la candidature de la capitale.

Certes, reconnaissons-le, les JO ont progressé grâce à l’agenda Olympique 2020 qui au travers de 40 recommandations offre certaines garanties, du moins dans l’intention. Il faut que le projet porté par une candidature respecte l’environnement, étudie et garantisse la faisabilité et se soucie du développement du territoire pour laisser un héritage durable. Ce sont des progrès substantiels par rapport aux dérives lors d’éditions précédentes sur les plans environnementaux, sociaux et économiques.

Cependant, la face cachée des jeux fait que bien souvent le choix de candidater relève plus d’une partie de poker que d’une gouvernance réaliste et responsable.

Cette face cachée,

  • C’est la surenchère organisée par le CIO et qui peut amener les villes candidates à des projets mégalomanes
  • Ce sont des coûts publics très importants et des bénéfices privés, c’est l’opulence et la démesure en pleine austérité
  • C’est l’endettement des villes qui accueillent l’évènement et des augmentations d’impôts qui en découlent (la ville de Grenoble a vu ses impôts multipliés par 4 après les JO d’hiver en 2008). Il faut savoir qu’en cas de dépassement budgétaire les coûts sont supportés par les collectivités locales.
  • Ce sont des frais importants, rien que pour se porter pré-requérante auprès du CNOSF (Comité National Olympique et Sportif français).
  • C’est le mirage d’une notoriété promise : qui aujourd’hui se souvient du lieu où ont eu lieu les épreuves nautiques lors des JO 2012 en Angleterre[i]?
  • Ce sont des retombées économiques incertaines car il y a pendant les jeux une double éviction : les touristes habituels ne viennent pas car ils veulent éviter la foule et les résidents s’échappent pour les mêmes raisons. Seule l’hôtellerie tire son épingle du jeu.
  • Enfin, mais cette liste n’est pas exhaustive, c’est une spéculation immobilière importante, parce que les JO c’est aussi et surtout la construction d’infrastructures

La problématique pour Hyères ne se pose pas tout à fait dans les mêmes termes que pour Paris. Les épreuves nautiques ont peu d’impact environnemental sur le milieu marin. Toutefois c’est le débat sur l’opportunité de la candidature de la France aux JO que les écologistes doivent engager.

En ce qui concerne notre ville, nous sommes sur le même timing que l’OGS. Cela ne risque-t-il pas de déstabiliser les projets liés à l’OGS dont les objectifs sont la restauration, la préservation et la mise en valeur du site de Giens ? Les problématiques de transports et de logements auxquelles nous serions confrontés pour les JO avec l’accueil d’un flux important de visiteurs sur un laps de temps très court, ne sont-elles pas être contradictoires avec la préservation du site?

Ensuite quelles vont être les implications sur nos installations portuaires ? Pour information, les investissements à Weymouth en 2012 ont été :

  • La construction d’une cale de 250m
  • Une marina de 70 mouillages
  • Un parc à dériveurs pour 600 bateaux
  • Des installations de grutage et mouillages supplémentaires

Enfin, d’un point de vue financier, la ville a-t-elle les moyens de cette ambition ? Il n’en a pas été question lors de l’élaboration du budget. Ne nous a-t-on pas expliqué que la situation budgétaire d’Hyères était tendue ?

A ces questions posées, le Député-Maire se veut rassurant : « nous ne changeons pas vraiment d’échelle entre les JO et la coupe du Monde de voile, la structure hôtelière existante devrait suffire avec plus de 2000 lits (mais d’ici là j’espère au moins la construction d’un hôtel haut de gamme …), le port demandera peut-être l’aménagement d’une jetée (mais l’agrandissement que j’ai prévu du port apportera une réponse aux besoins…), le public sera reçu sur la plage de l’Ayguade, pour le transport nous disposons d’un aéroport en bord de mer, le Parc National de Port Cros sera associé… Quant au budget, rien à voir avec le coût des JO à Paris. »

Peut-on se contenter de ces réponses pour adhérer au projet ?
Certainement pas dans la mesure où nous sommes opposés à l’agrandissement du port et où nous sommes inquiets des projets d’hôtels de luxe (à part le village des Pesquiers les lieux pressentis n’ont pas encore été révélés).

Si nous avions un avis arrêté sur le principe de la candidature de la France aux JO, si celui-ci était favorable, encore nous faudrait-il pouvoir disposer d’un dossier nous permettant de savoir quels vont être les aménagements nécessaires, quel sera l’impact environnemental, social et économique, quels seront les moyens budgétaires dédiés et pour quel héritage ?

Le temps du débat avec les hyérois n’a pas été pris, le Maire ayant pris sa décision dans des délais qui ne le permettaient pas.

Qu’à cela ne tienne, les hyérois sont toujours à temps de débattre entre eux, dans le cadre des associations, des réseaux sociaux, des partis. Encore faudra-t-il que les éléments d’information soient donnés parce que nous avons besoin de savoir qu’elles vont être les conséquences pour la ville afin d’adhérer à ce projet.

Seule parmi 45… petite voix dissonante au sein de l’enthousiasme collectif…

Brigitte del Perugia
Conseillère municipale EELV à Hyères
http://www.brigitte-del-perugia.fr/

[i] Weymouth et l’île de Portland

Remonter