G20 : quels enjeux pour l’agriculture en PACA ?
Tribune rédigée par la Confédération paysanne PACA et Peuples Solidaires sur les enjeux du G20
Le Sommet du G20 se tiendra les 3 et 4 novembre à Cannes. Les chefs d’Etats et de gouvernements discuteront – et prendront peut-être même des décisions – sur la crise financière internationale, l’emploi, la croissance, le financement du développement et, à l’initiative de la présidence française, la sécurité alimentaire mondiale et l’agriculture.
Sur ce dernier thème, ce Sommet a été précédé par une réunion des 20 ministres de l’agriculture, en juin dernier, à Paris, où des premières pistes ont été lancées. Elles restent cependant extrêmement timides. Les membres du G20 peinent à se mettre d’accord sur des décisions concrètes permettant de soutenir une agriculture locale qui puisse nourrir les populations, soit respectueuse de l’environnement, et permette aux paysans d’avoir un revenu décent…
Quels sont les défis auxquels est confrontée l’agriculture dans la région Provence-Alpes-Côte d’Azur ? Sont-ils si différents de ceux qui prévalent ailleurs, et notamment dans les pays vulnérables aux crises alimentaires ? Le G20 permettra-t-il d’y répondre ?
On peut relever cinq défis principaux, largement communs à la Côte d’Azur et aux autres régions du monde.
Dans la région PACA, les paysans sont confrontés, comme partout dans le monde, aux contraintes du soit-disant « libre marché ». Ainsi, les marchés locaux sont inondés de produits cultivés parfois très loin, poussant souvent à la misère les petits exploitants locaux. La grande distribution, renforce cette tendance, elle s’est substituée aux circuits courts, que nombre d’initiatives peinent à reconstruire aujourd’hui en France. En conséquence, le nombre d’exploitations agricoles ne cesse de diminuer dans la région PACA : deux tiers d’entre elles ont fermé leurs portes au cours des 40 dernières années, dont 7 000 entre 2000 et 2010. C’est également le cas dans le reste du monde, où la population rurale est en diminution constante depuis 50 ans, et représente aujourd’hui moins de la moitié des habitants de la planète.
La pression sur le foncier, notamment sur le littoral méditerranéen, et l’expansion des constructions, est un obstacle majeur à l’installation de nouveaux paysans, le prix des terrains atteignant parfois des montants rédhibitoires : il n’est pas rare de recenser des terrains en vente à plus de 50 000 euros l’hectare ! Comme indiqué sur le site de la région PACA, « si les tendances actuelles se poursuivent, l’agriculture aura disparu sur la bande côtière d’ici 50 ans ».
Cette pression n’est pas si différente de celle qui est exercée dans les pays du Sud, où le phénomène des accaparements de terre prend une extension effrayante. Les terres accaparées par des investisseurs privés ou par des gouvernements, notamment issus du G20, au détriment des populations locales servent à produire des agro-carburants ou des monocultures destinées à l’exportation. Les communautés locales se retrouvent ainsi sans terre, donc sans nourriture… Et sont souvent contraintes de grossir les bidonvilles à la périphérie des villes ou d’émigrer. Pas de terre, pas de paysans. Pourtant, les pays du G20 semblent bien se garder d’aborder cette question, qui pourrait impliquer de réglementer les activités de leurs propres entreprises dans les pays en développement…
A ces défis du « libre »marché absolu – qui revient à mettre en concurrence des formes d’agriculture complètement différentes – et de la pression spéculatrice sur le foncier, s’ajoutent d’autres obstacles, fruits des politiques menées au cours des trente dernières années : la volatilité des prix des matières premières agricoles, à laquelle contribuent la spéculation effrénée d’acteurs financiers sans liens avec le marché physique, pour dégager des profits sur le dos des producteurs et des consommateurs ; la production massive d’agro-carburants : au lieu que maïs, canne à sucre et huiles végétales permettent de nourrir les gens, ils servent à remplir nos moteurs. Et enfin, le changement climatique dû au réchauffement de la planète, qui impose aux paysans d’ici et d’ailleurs de développer des techniques nouvelles, traditionnelles, ou une combinaison des deux, leur permettant d’adapter leur mode de production à ce nouveau défi.
Ces obstacles ne sont pas inéluctables, mais ils supposent que nos dirigeants changent de politique. Il faut soutenir et protéger l’agriculture paysanne et familiale respectueuse de l’environnement, en Europe et dans les pays du Sud ; rétablir des mécanismes publics de réserves alimentaires pour stabiliser les prix et ainsi garantir un revenu stable aux agriculteurs et des prix raisonnables aux consommateurs ; s’attaquer à la spéculation sur les produits agricoles et arrêter les accaparements de terre et le soutien massif aux agrocarburants. En un mot, prioriser l’intérêt de tous – producteurs et consommateurs, ici et ailleurs – et non celui des quelques uns à qui profite le système actuel.
« Ne jouez pas avec notre nourriture ! », Voilà ce que nos organisations viendront défendre face au G20 à Nice le 1er novembre dans la Manifestation internationale et les jours suivant, à l’occasion du Forum des peuples.
Jean-Paul Sornay Président de Peuples solidaires
Philippe Collin Porte Parole de la Confédération paysanne Nationale