Le Littoral Méditerranéen : quels enjeux ? Quelles pressions ? Quel développement ?
La Méditerranée est une mer ancienne, plutôt fermée, au patrimoine de biodiversité considérable (12000 espèces recensées soit près de 10% des espèces marines connues pour moins de 1% de la surface des océans) mais peu productive (pas d’apports en nutriments de grands fleuves) donc particulièrement fragile.
Quelles sont principales menaces qui pèsent sur ce patrimoine commun inestimable :
• La consommation et l’artificialisation du littoral et des petits fonds côtiers : construction de ports, digues, quais, remblais, brise-lames, plages artificielles représentent 10% des fonds entre 0 et 10 m en région PACA et 20% du linéaire littoral. Ors cette destruction des habitats côtiers et littoraux menace des fonctions essentielles des écosystèmes (zones de reproduction et de nurserie) et les réservoirs de biodiversité. Cette pression a considérablement augmentée depuis les années 60 et continue encore malgré la loi « littoral » (30 ans).
• Avec l’urbanisation de la côte (3 millions de résidents, plus 3 millions de touristes chaque année et 2 millions de m2 de logements construits par an dans les communes littorales1), l’autre pression principale réside dans les apports polluants au milieu :
• Les rejets urbains domestiques (les égouts) avec des flux de matières organiques très néfastes pour le milieu et la qualité des eaux : à Toulon la station d’épuration du Cap Sicié à juste 20 ans et c’est la dernière ville a s’en être dotée. Ses stations épurent 80 à 90% des flux mais les 10 à 20% restent problématiques. Elles sont sujettes à des disfonctionnement et conditionnent la bonne qualité des baignades. En revanche, depuis la mise en place de l’épuration, la récupération des milieux perturbés est effective. Avec l’augmentation de la population, c’est une course permanente de communes pour mettre à niveau les équipements et améliorer leur efficacité.
• Les flux de polluants chimiques d’origine multiple : rejets industriels (boues rouges) réseaux pluviaux, ruissellement, petits fleuves côtiers (Las, Eygoutier), atmosphériques, circulation maritime, ports, etc… qui amènent des métaux lourds, des pesticides, PCB, hydrocarbures mais aussi résidus médicamenteux, perturbateurs endocriniens, etc… (1/2 comprimé de paracétamol par m3 d’eau de mer à Cortiou). Ces polluants se concentrent dans les chaînes alimentaires (restriction de consommation des poissons pour le mercure)
• Les déchets solides : des centaines de tonnes de déchets sont déversés par diverses sources chaque année, dont une grande proportion de plastiques : outre la pollution visuelle, ces plastiques se dégradent en microparticules qui interférent avec le plancton et libérent des substances toxiques (phtalates, biphénols)
– Autre pression majeure : la surpêche (thon rouge, sardine, anchois, merlu, sole): depuis les années 60, la pêche industrielle dont le chalutage intensif a entraîné un effondrement des stocks qui malgré les mesures de gestion ont beaucoup de mal à se reconstituer. Les professionnels rejettent la responsabilité sur les plaisanciers-pêcheurs trop nombreux et « la pollution ».
Quels outils pour protéger la mer et restaurer la biodiversité :
– Arrêter l’artificialisation du littoral : malgré une pression forte de construction de ports, digues, épis, enrochements, etc.. il est indispensable d’arrêter l’artificialisation des petits côtiers qui sont des lieux privilégiés de reproduction et de nurserie pour des nombreuses espèces. Les SMVM2 ont manqué d’efficacité à ce sujet, espérons que les SCOT littoraux3 feront mieux !
– Réduire les rejets polluants en mer : des nombreux « points noirs » de rejets polluants (domestiques ou industriels) ont été traités mais il en reste (boues rouges de Cassis, pétrochimie de Lavera, etc..) et il faut maintenant réduire les apports toxiques des fleuves ainsi que la pollution diffuse par ruissellement, en particulier en provenance des terres agricoles.
– Nettoyer les plages et les cours d’eau : les déchets plastiques doivent être enlevés par tous les moyens disponibles. Dans le même temps, le volume des déchets d’emballage en particulier doivent être réduits et ceux-ci mieux collecté et traités : plus aucun plastiques ne doit atterrir dans le milieu naturel.
• La protection des espèces les plus menacées : les posidonies, le mérou, la grande nacre, le corail rouge, la grande cigale, le phoque moine, les cétacés: interdiction de pêche, de destruction, de commerce, de dérangement. C’est important pour les espèces les plus emblématiques : la population de mérou par exemple, qui a failli disparaitre a été multipliée par 10 en 20 ans d’interdiction de pêche et la reproduction est assurée !
• Les parcs marins et les aires marines protégées : le parc de Port-Cros, le Parc de la Côte Bleue, les réserves de Scandola et de Bonifacio : et ça marche ! Avec souvent moins d’une centaine d’hectares (si c’est plus grand, c’est mieux), au bout de quelques années, on trouve dans une zone préservée de toute pêche et de dérangement : plus d’espèces, plus d’individus et des individus plus gros que dans une zone équivalente non protégée. De plus, pour les espèces territoriales, on observe une exportation vers les zones adjacentes, confirmée par les pêcheurs ! Près de nous, il faut faudrait créer une aire marine protégée vers les Deux Frères, une autre entre Bandol et St Cyr, etc.. où seules les activités non destructrices ou non perturbantes sont autorisées.
• Autre outil : le contrat de Baie qui réunit tous les acteurs autour d’une zone marine et son bassin versant (collectivités, Etat, industriels, etc..). Une liste d’actions est financée et mise en œuvre sous une forme contractuelle par période de 5 ans. A Toulon, le 2ème est en cours et à Hyères, le 1er vient de démarrer.
Texte et photo : Hervé THEBAULT